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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/28

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sif et farouche, souvent en révolte contre les lois ou contre les conventions de la vie, mais aussi comme le plus tendre et le plus sensible de tous ceux qui ont voulu chanter leurs dieux lares. C’est bien chez lui que l’on pourra trouver le meilleur et le pire, tantôt des outrances presque irritantes tant elles ressemblent à des bravades, et tantôt l’accent vrai, profond, humain, qui s’accroche à nos moelles. Dans la Nouvelle Carthage — œuvre académiquement couronnée en Belgique, — qui n’admirerait une fresque imposante et consciencieuse décrivant, à traits largement brossés mais point dédaigneux des touches dégradées et fines, toute la vie et toute la pensée d’une métropole florissante ? Par contre, M. Eekhoud a composé des romans et des nouvelles, comme Ëscal-Vigor ou comme l’Autre Vue, dans lesquels le bizarre attrait qu’il avoue ressentir pour les outlaws de la société moderne, pour les gars indomptés et rebelles, n’est point assez exempt d’une trop paradoxale chaleur. Ce fait semble d’autant plus symptomatique que M. Eekhoud ne put jamais être soupçonné d’œuvrer dans un but pornographique ou mercantile. Mais il y a des relents malsains indéniables et quelque chose de morbide dans les plus vibrantes fibres de sa nature. Ces œuvres sont précisément celles de sa dernière manière. Avant qu’il s’y adonnât, avec un abandon et comme une furie qui laissèrent ses admirateurs mêmes un peu consternés, M. G. Eekhoud s’était avéré comme un peintre autorisé et intuitif des mœurs rustiques flamandes, dans les Kermesses, dans Kees Doorick, dans les Fusillés de Malines, saines épopées qui, peu à peu, cédèrent le pas aux Communions et au réfractaire Cycle patibulaire. C’est donc plutôt dans son amour irréductible pour les « pacants », comme il appelle les gars rustiques de la terre flamande, qu’il faudra rechercher