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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/29

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l' accent réel et les notes véritablement poignantes de son art. La vigueur du coloris et du style semble alimentée sans cesse, sous sa plume, par cette ferveur tragique et sombre, toujours en mal de quelque révolte ou de quelque enthousiasme agressif. C’est sans doute l’écrivain le plus impulsif et peut-être le plus sincère de la nouvelle école. Sa personnalité est a la fois franche, outrancière et intransigeante. Aussi malgré les élans généreux fréquents dans son œuvre’ maigre sa haine des médiocrités basses, et malgré la sincérité rappelée à l’instant, cette œuvre aboutit-elle parfois à des insurrections déconcertantes. C’est que nul ne s’est mis plus vif, avec tout son sang, tous ses nerfs, toute sa chair frémissante dans ses écrits et que nul ne posséda une âme plus aigrie, plus mordue de pessimisme et plus dégagée des règles. Sa langue, avivée de néologismes, gutturale et rocailleuse, musclée et pleine de nerfs, dédaigneuse, d’ailleurs, de séduire, s’irrite sous l’aiguillon de sa pensée et reflète tantôt une sensibilité attendrie et comme écorchée, tantôt l’élan d’une colère et d’une amertume implacables. Ainsi le chantre des rebutés, le trouvère apitoyé des « hors la loi », a-t-il sombré dans une misanthropie perpétuelle qui plane sur son œuvre entière et qui la rend à la fois épique, redoutable et désespérée.

II semble que M. Georges Eekhoud qui, dans la vie est un homme correct, de mœurs douces et aimai blés, écrivain de grande loyauté aussi, ait inconsciemment trahi sa personnalité littéraire dans cette page corrosive que nous extrayons des Kermesses : « Ma contrée de dilection n’existe pour aucun touriste et jamais guide ou médecin ne la recommandera