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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/33

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des pieuses, curieusement anachroniques, émaillées de rappels bibliques, qui captivaient surtout l’attention. Mais, dans la description du cadre s’imposait un coloriste exubérant, autant sensuel que mystique, épris des fortes anatomies plus encore que des imageries sentimentales.

Les temps fabuleux que les conteurs anciens aimaient à évoquer parce qu’ils y vivaient en plein épanouissement de leurs sens et de leur foi, ces temps archaïques où les naïvetés des âges croyants se fondaient dans la féerie des « ducasses » carillonnées, des incessantes beuveries, des noces plantureuses, voilà quel fut le fief authentique de M. Eugène Demolder en pays du beau langage. Et quand il a renoncé à cette atmosphère où voisinaient curieusement, si fraternels, les ascètes de la Légende dorée et les goinfres de Pantagruel, ce fut pour rechercher, dans la vie luxurieuse et trop splendidement païenne de la Renaissance, l’inspiration de cette incandescente Route d’émeraude, si révoltante parfois en ses épaisses débauches, si magiquement éclairée en certaines pages des rayons d’un art royal. Il a reproduit ici, avec une patience informée et minutieuse, tous les accidents qui purent marquer l’existence tumultueuse et sensuelle d’un artiste dissolu dans la Hollande de l’époque. Mais, au lieu d’adoucir les tableaux qu’un tel sujet pouvait le solliciter de peindre, il a> comme à plaisir, insisté surtout ce qu’ils comportaient d’égrillard et de truculence charnelle. Plus récemment, en écrivant le Jardinier de la Pompadour, M. Eugène Demolder s’est essayé au jeu de faire contraster les grâces frivoles, les galanteries osées et les raffinements d’un art élégant et fleuri, avec les horreurs sanglantes qui marquèrent la fin du xvIII e siècle. Ce roman, sans doute, met en valeur la souplesse d’un talent si primesautier et si fastueux tout ensemble,