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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/42

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Nuit, de Gilkin, dans les vers d’Arnold Goffin 1 N’était-ce pas aussi du baudelairisme forcené que ces singulières Bimes de joie, de Théo Hannon, poète éphémère ? Tous avaient subi ce pessimisme, cette lassitude, cette atmosphère de nervosité, ce parfum de décadence si subtil et si puissant qui se dégage de l’extrême romantisme. Quelques-uns, depuis lors, sont revenus vers d’autres lois, mais leur âme n’en fut pas moins profondément imprégnée du parfum séducteur et charmant. « Nul n’y a échappé^ ni le pur et tendre poète, Fernand Séverin, dans les intimités mélancoliques des Poèmes ingénus ; ni Georges Rodenbach, qui tenta d’enseigner à Paris la grâce morbide de Bruges. Ceux qui, renonçant à l’école baudelairienne, suivirent avec un enthousiasme nouveau Verlaine, Mallarmé et les symbolistes, subirent peut-être plus violemment encore le charme du déclin. Avec ceux-ci, la décadence s’était faite plus fine, plus ingénieuse, plus enveloppante et plus sentimentale. Sous cette forme nouvelle, elle n’eut point d’interprètes plus singuliers et plus significatifs que van Lerberghe, que Maeterlinck, qu’Emile Verhaeren ...»

Georges Rodenbach fut, avant Verhaeren et pendant les furtives années qu’il put échauffer sa «jeunesse inquiète » au soleil de la renommée parisienne, le plus notoire des poètes belges hors de Belgique. Si nous songeons à ses premières œuvres : la Mer élégante ou Hiver mondain, il est impossible de n’être point frappé de 1 accent inédit d’élégance, un peu factice mais aiguë et comme relevée d’une pointe de modernisme presque irritant, que ces poèmes gracieux et graciles faisaient entendre. Nul n’a donné cette note aussi sensibilisée. Mais bientôt cette personnalité même se dégagea plus encore en Rodenbach, qui explorait, pèlerin mélancolique, les