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Rome est le séminaire des artistes qui décorèrent l’église supérieure d’Assise. Des croquis nous ont conservé le souvenir des peintures de Cavallini à Saint-Paul-hors-les-Murs : toutes ces compositions se retrouvent à Assise[1].

Quel était le jeune maître qui, en 1296, arrivait dans la ville séraphique, et s’apprêtait à peindre, le long de la nef supérieure, la vie du patriarche ? Quelle vocation le préparait ou le destinait à cette œuvre ? Il s’est produit une telle association d’idées entre saint François et Giotto, qu’on s’attend à trouver entre eux des affinités de nature. La vérité oblige à dire que c’est une illusion. Personne ne paraît plus dénué que Giotto de la grâce franciscaine. D’abord, le peintre n’était pas beau : il y a même là-dessus une riposte un peu leste, que rapporte un ancien commentaire de Dante, et qui n’est d’ailleurs qu’une réédition de Macrobe ; mais nous avons en outre le témoignage de Pétrarque, qui déclare nettement que le peintre était laid. D’ailleurs, ce Florentin fort à l’aise, père de huit enfants, ce solide bourgeois du popolo de Sainte-Marie-Nouvelle, était un homme de sens, très pratique, fort observateur, ayant le mot pour rire, mordant, caustique, et dont les malicieuses saillies, les reparties, l’humour faisaient longtemps après la joie des ateliers de la ville. Les conteurs nationaux, Boccace, Sacchetti, sont pleins du récit de ces bourdes, de ces burle, de ces beffe, quelquefois des plus drôles. On voit le peintre au trot de son bidet, s’en revenant tout crotté de

  1. Ces précieux dessins du XVIIe siècle sont conservés à la Vaticane, fonds Barberini, nos 4402 à 4408. Eug. Müntz (Revue de l’Art chrétien, 1893) a reproduit quelques dessins du 4406. On en trouvera d’autres, dans l’ouvrage de Venturi, vol. V, fig. 103-110. On mesure là l’étendue de ce que nous avons perdu. Il y avait des cycles de fresques à Saint-Paul, à Sainte-Cécile, à Sainte-Marie-de-Transtévère, à Saint-Jacques-du-Colisee, à Saint-André sur l’Esquilin. Qu’est-ce que Florence et Sienne peuvent, au XIIIe siècle, opposer à de pareils ensembles ?