Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/110

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près d’un arbre, on l’aperçoit en train de charmer des oiseaux. Mais ce qui domine, c’est le magicien, le voyant, l’apôtre, l’homme d’action, le missionnaire qui se jette dans les flammes sous les yeux du sultan, qui a des visions d’armes, et à qui Dieu réserve le trône de Lucifer.

Sans doute, tous ces traits se trouvent dans la légende : à l’exception de deux ou trois, ce ne sont pas ceux qui paraissent le plus originaux. Il semble difficile, quand on est un peu familier avec l’histoire franciscaine, de ne pas éprouver devant ces fresques qui la racontent une certaine déception. La meilleure part des choses, l’atmosphère, l’âme, s’évapore. Il y a un déchet énorme entre la réalité présente et l’image intérieure que nous nous étions formée. Presque toute la poésie se dissipe et échappe.

Aussi bien, faut-il faire la part de ce qui n’est pas de Giotto, et revient à la faiblesse des collaborateurs. Mais plus tard, passé la cinquantaine, à la chapelle des Bardi, Giotto est revenu à l’œuvre de sa jeunesse. Il l’a perfectionnée, corrigée, rendue quasi académique : il n’atténue pas, loin de là, cette sorte d’hiatus entre son sentiment intime et le sentiment franciscain.

Ce qui a toujours frappé dans les œuvres de Giotto, c’est le naturalisme ; naturalisme tout humain, qui s’étend à peine au décor, simplifie le paysage, le résume dans un rocher ou dans une silhouette d’arbre et, pour peindre les dehors agrestes de l’existence, se contente d’une indication sommaire, comme d’une toile de fond pour masquer la coulisse. Tout ce qui est de l’homme, au contraire, prend ici une force et un relief tout-puissants. Ce que Vasari admire le plus dans le cycle d’Assise, c’est un ânier qui se couche à plat ventre pour boire. « On jurerait qu’il boit ! » s’écrie-t-il. De même ce qu’il retient de la Navicella, c’est un pêcheur à la