Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

point que je dois en terminant attirer votre attention.

Le mouvement franciscain n’a pas produit qu’une seule légende. Et les Dominicains ont également les leurs : lisez les Vies des Frères de Gérard de Frachet, ou les Abeilles de Cantimpré[1]. Le xiiie siècle vit se produire un extraordinaire dégagement de sainteté. C’est le siècle par excellence de l’hagiographie. Partout, dans tous les rangs, des plus élevés aux plus humbles, des multitudes se précipitent sur les pas des Mendiants.

Ce sont des rois, des reines, d’étonnants princes qui sur le trône, au milieu des félicités, donnent l’exemple du dégoût du monde, n’aspirant qu’à la bure et à la vie du cloître ; ce sont des marquises de Thuringe qui vivent comme Basine dans le fond des forêts, et dont le tablier s’emplit de fleurs miraculeuses ; ce sont des pénitentes, des martyrs, des mystiques, des recluses, des visionnaires, des ermites, des anachorètes. Chacun de ces personnages offre un sujet à l’art. J’ai parlé de la châsse de saint Dominique à Bologne ; on connaît celles de saint Pierre Martyr à Milan, de sainte Marguerite à Cortone. L’idée de la sainteté devient si naturelle, qu’on n’attend pas toujours les décisions de l’Église. La foule canonise sans autre forme de procès. Il y avait à Parme un certain Albert, porteur de vin en son vivant, et de plus fort ivrogne, lequel Albert, on ne sait pourquoi, se trouvait néanmoins en grande vénération dans la localité. Les gens d’une paroisse voisine désirant de ses reliques, les Parmesans envoyèrent un orteil de leur homme. Cet orteil était une gousse d’ail. J’ai oublié comment se découvrit la fraude. La gousse avait d’ailleurs opéré des

  1. Il faut noter que ce sont des écrits officiels. Dès 1256, le général Humbert de Romans ordonne de recueillir les archives de l’ordre, la collection de ses miracles. De là encore les Anecdotes d’Etienne de Bourbon, et les divers ouvrages de Thierry d’Apolda. La Vie de saint François par saint Bonaventure est de 1263.