Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/200

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exemples, les histoires, faisaient beaucoup mieux son affaire. C’est par le sentiment et l’imagination qu’on pouvait prendre ce public. De bonne heure, les Mendiants se cantonnèrent sur ce terrain. Pour les Franciscains, les premières bulles pontificales qui les autorisèrent, leur interdisaient même d’aborder la théologie. Ils ne devaient parler que de morale, de virtutibus et vitiis, des récompenses et des peines, de poena et gloria, et encore sans longs développements, cum brevitate sermonis, en laissant de côté le dogme[1]. Sous forme de restriction, c’était leur indiquer la route du succès. Ils l’avaient déjà prise tout seuls. Nous avons de saint François un canevas de sermon : il y traite des vertus, des démons et des anges. Dans une de ses lettres, il décrit très dramatiquement la mort du mauvais riche[2]. Tout cela donne une vive idée de son éloquence. Berthold de Ratisbonne, comme plus tard saint Bernardin, doit ses triomphes oratoires à cette prédication toute familière et pratique[3]. Les Dominicains, on l’a vu, inclinaient de leur côté à ce genre d’homélies[4]. C’est, si l’on ose parler ainsi, le

  1. Mandonnet, Les Origines de l'Ordo de Pœnitentia, Fribourg. 1898 ; Hilarin de Lucerne, Histoire des Études, 1909. C’était la réserve ordinaire dans le cas de telles concessions, faites à des groupements non composés de clercs. Des Humiliates, des Vaudois avaient obtenu du Saint-Siège des conditions semblables. Tiraboschi, Vetera Humiliatorum Monumenta, Milan, 1766, t. II, p. 134.
  2. Opuscula Sancti patris Francisci Assisiensis, Quaracchi, 1904, p. 96.
  3. Thode, loc. cit., t. II, pp. 113-124.
  4. Villani a entendu le grand « meneur » dominicain, le Savonarole du xive siècle, frère Venturino de Bergame, lorsqu’il traversa Florence à la tête de son étonnant pèlerinage de pénitents, en 1335. « Tout le monde courait à lui comme vers un prophète. Ses sermons n’étaient pas faits de discours subtils ni de science profonde, mais ils étaient pratiques (molto efficaci), d’une éloquence touchante et d’une piété toute sainte. » Istorie, l. XI, chap. xxiii. — Voir également la lettre du même Venturino aux Subtiliennes de Colmar, où il leur trace le plan d’un couvent de religieuses, règle fort austère, mais d’un esprit singulièrement moderne : pas de latin, rien que des chants en langue vulgaire, des lectures simples, non pour faire des vaniteuses et des intellectuelles, mais des femmes vraiment pieuses (23 mai 1339, Cf. Quétif et Echard, t. I, p. 623 ; Clementi, Il Beato Venturino da Bergamo, Rome, 1899). — Le