Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/223

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prouvent bien en Flandre l’importance des idées franciscaines[1]. Comme toujours les Mendiants, dans leur rôle populaire, pour consoler les petits, pour abattre les grands, usent de leur éternelle méthode, frappent à tour de bras le cœur, comme un rocher aride, jusqu’à en faire jaillir le pur bienfait des larmes. Ils secouent, gourmandent, invectivent, attendrissent, exploitent la sensibilité malade, — et ce sont, pour cela, les plus grandes voix du siècle, celles d’un saint Vincent Ferrier, d’un Bernardin de Sienne, qui se continuent en échos jusqu’à la Renaissance dans l’éloquence populacière de Menot, de Barelette et d’Olivier Maillard. Jamais le terrain n’avait été plus favorable. Jamais encore le christianisme des Mendiants n’avait pu déployer avec une pareille liberté sa richesse émotive. C’est ce que je vais essayer de montrer, en commençant par les aspects nouveaux que prennent, dans l’art de cette époque, la vie de Notre-Seigneur et le drame de la Passion.

  1. C’est comme œuvres de Jan van Eyck qu’étaient regardés, au xvie siècle, ces deux charmants tableaux, par le bourgeois de Bruges qui les léguait par testament à ses deux filles, l’une béguine, l’autre augustine. Je leur conserve cette attribution, bien qu’elle ne soit rien moins que sûre. Jacobsen (Archivio storico dell’Arte, 1897, S. 2, t. III, p. 208) voit dans le tableau de Turin un habile pastiche dans la manière de Bles. Weale (Hubert and Jan van Eyck, Londres, 1908, p. 132), le tient pour un ouvrage peint dans le Midi de l’Europe, à cause de la couleur des frocs, qui est le brun, nuance de l’Observance : or, la première maison de l’Observance ne fut fondée aux Pays-Bas qu’à la fin du xve siècle. Jusqu’alors, les Mineurs étaient les « Frères Gris». — Il y a au Prado (n° 1525) une variante de ce sujet, probablement par Patenier. Le nombre de ces répliques me fait croire qu’il a dû exister un original peint par un des van Eyck. Voir encore au musée de Cherbourg, un petit saint François sur le volet d’une Descente de croix de l’école de Rogier van der Weyden (l’autre volet représente sainte Madeleine). — Dans la Vierge au Chartreux de la collection Rothschild, on voit une sainte moniale, ayant pour attribut une triple couronne, et qui n’est autre que sainte Elisabeth de Hongrie.