Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/225

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diant Lazare, Zachée le cul-de-jatte et Madeleine la courtisane. Avec ses proportions épiques, son déroulement de siècles, ses mille dramatis personae, ses épisodes, ses cortèges, ses héros, ses comparses, ses anges et ses démons, son ciel et son enfer ; avec son vestiaire, ses décors, sa mise en scène somptueuse, ses fanfares, ses figurants, son mélange de rire et de larmes, ses intermèdes de chant, ses ariettes, sa pantomime, ses machines, ses « trucs », ses miracles, ses parties d’opéra et de féerie, — ce devait être, en son beau temps, un spectacle incomparable : on ne s’étonne pas que les siècles les plus artistes, le xve, le xvie ne s’en soient jamais fatigués.

Les artistes allaient au théâtre, comme tout le monde ; ils ne se contentaient pas d’y aller, ils y collaboraient. Ils peignent les décors, dessinent les costumes, imaginent les « engins[1] », et c’est ce qui explique que leurs œuvres ne soient souvent que l’image de ce qu’ils avaient vu, la seconde édition, le texte illustré d’un « Mystère ». Pourquoi, dans cent Nativités (dans presque toutes celles de l’école flamande), saint Joseph protège-t-il avec précaution une chandelle allumée ? C’est la reproduction d’un jeu de scène. La chandelle signifie que nous sommes au milieu de la nuit[2]. Ainsi, dans l’athénienne fantaisie de Shakespeare, l’acteur, un falot à la main, entre et dit : « C’est moi le clair de lune ».

Une foule de circonstances restées énigmatiques se trouvent éclaircies grâce à cette méthode érudite autant qu’ingénieuse. Pourtant, quand on aura par là élucidé l’iconographie tout entière, mis un nom sur chaque per-

  1. Cf. Archives de l’art français, t. I, p. 137 ; Cohen, Le décor et la mise en scène des Mystères, 1905.
  2. Tableau du maître de Flémalle au musée de Dijon ; triptyque de Rogier van der Weyden au musée de Berlin ; triptyque de Memlinc à Bruges ; triptyque de van der Goes aux Offices, etc. Mâle, loc. cit., p. 62.