Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/235

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La seule vérité, la seule lumière qui rende la vie intelligible, c’est la tendresse et la pitié… »

Car ce qui ennoblit le pessimisme chrétien, c’est qu’il est pénétré d’amour. En revêtant nos misères, le Christ les divinise. Aimez vos maux, ils s’évanouissent et se changent en douceur. Voilà ce qu’a compris l’école franciscaine. À force de passion, elle a désarmé la souffrance. La douloureuse rose a perdu ses épines.

Sans doute, si l’art est conçu comme la perfection idéale de la forme, la morne Pietà est à peine de l’art. Le voluptueux sera choqué de sa face enlaidie et contractée de spasmes, et du cadavre ravagé, maigre, aux pieds tuméfiés qu’elle presse entre ses bras. Parmi les œuvres qui la représentent, beaucoup sont gauches, rudes, maladroites. Ce ne sont pas les moins touchantes : elles savent le chemin du cœur. La piété de nos pères aimait à faire de ce groupe un motif funéraire. Statue inégalée de la Niobé chrétienne ! Insurpassable image de la désolation ! Le désespoir humain cherchait dans ce deuil ineffable un encouragement, un exemple de sacrifice. Malheur à qui ne sait plus voir ces œuvres déchirantes avec les yeux des morts qu’elles ont consolés !


III


Vous connaissez l’histoire de ce prince d’Orient que son père faisait élever loin du monde, dans les délices. Un jour, il réussit à sortir du palais. Il rencontra sur son chemin un lépreux, un vieillard et un corps qu’on portait en terre. Il connut ainsi la souffrance, la vieillesse et la mort, et dès lors résolut de se retirer du siècle et d’anéantir dans son cœur la volonté de vivre.

Cette histoire, qui est la légende du Bouddha, est celle