Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

christianisme. Les anges déposèrent la maison sur la côte dalmate, puis la transportèrent en face dans un bois reculé de la marche d’Ancône. Chaque fois, le concours des fidèles était une occasion de brigandages et de meurtres. Le sanctuaire inquiet, indigné, émigrait. Enfin, il s’arrêta au bord de la grande route, à la place où on le voit encore. Et des visions révélèrent à de saintes personnes la merveille arrivée d’Orient par cette voie miraculeuse.

Il est probable que la légende (car on n’en trouve pas trace avant 1472) est née dans l’esprit de quelqu’un qui se demandait pourquoi, dans la construction de la nouvelle église de Lorette, l’architecte avait respecté une très vieille masure qui servait d’oratoire rustique[1]. Le prodige n’étonna personne : il y avait beaucoup d’églises apportées par les anges. Qui avait agrafé sur sa roche fantastique l’aérienne Notre-Dame du Puy ? Et nos cathédrales, on l’a dit, n’ont-elles pas l’air elles-mêmes prêtes à prendre leur vol et à fuir cette terre pour remonter au ciel ?

Le pèlerinage de Lorette était déjà universel au commencement du xvie siècle. Mais son influence est peu de chose, si on la compare à celle du Rosaire. Cette dévotion nous intéresse doublement, car elle est à la fois une œuvre dominicaine et une dévotion de confrérie. L’inventeur du rosaire est un jacobin breton, nommé Alain de la Roche, qui en fit honneur au fondateur de son ordre, saint Dominique[2]. On a sévèrement reproché au pauvre homme

  1. U. Chevalier, Notre-Dame de Lorette, 1906 ; Anal. Bolland., t. XXV, p. 478 ; une fresque du couvent franciscain de Gubbio, qui représente la légende, paraît toutefois datée de 1471 d’après une tradition locale, saint François, se trouvant à Sirolo, aurait prédit la future merveille. Cf. Faloci. Pulignani, la sainte maison de Lorette d’après une fresque de Gubbio, 1907, p. 55.
  2. Quétif et Echard, t. I, p. 202 ; Acta S. S., août, t. I, p. 427 ; — Cf. Anal. Bolland., 1899, p. 290 ; 1902, p. 45 et p. 219 ; 1909, p. 230. — Holzapfel, Saint Dominikus und der Rosenkranz, Munich, 1903 ; — Thurston, dans The Month, 1900, 1901, 1908, et dans The Tablet, mai-juin 1908.