Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/306

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charme de la chanson d’alouette, enivrée de légèreté et de brises matinales, que pousse cette âme sonore dans ses nuages grisâtres ?

Innocence, virginité de l’esprit et des sens, don admirable du regard où tout se reflète en beau, je les retrouve dans le vieil artiste dominicain. C’est un des plus gracieux génies qui aient enchanté la terre, un de ceux qui nous donnent le plus de raisons d’aimer la vie. Ce qui nous la rend odieuse, cette insupportable atmosphère de laideur et de bassesse, cette incurable platitude de l’existence quotidienne, s’évanouissent devant ce poète qui n’a rien su de ces misères. Il était incapable d’une vulgarité. Le difforme, le monstrueux pour lui n’existent pas. Le monde qu’il a peint apparaît sans péché, et la lumière qui l’éclaire conserve l’imperturbable éclat du plus beau jour.

De là, il faut l’avouer, une certaine faiblesse dans quelques ordres de sujets. Rien de moins impressionnant que l’enfer d’Angelico ; le peintre ne se fait aucune idée du mal ; il n’en a nulle expérience. Nos vices, nos passions, d’après lesquels un Dante compose ses peintures infernales, sont pour notre artiste de véritables terrae incognitae : c’est un monde dont il ne parle que par ouï dire. Mais, en revanche, quels Paradis ! Il paraît que, de tous les sujets de la chaire chrétienne, il n’y en a pas de plus ingrat. La langue humaine n’a qu’un mot pour exprimer le bonheur : quelle richesse au contraire de cordes douloureuses ! À cet égard, Jean de Fiesole est vraiment inventeur : jamais il n’est à court pour figurer le ciel. Il a toujours du neuf à nous apprendre sur l’autre vie. Ce n’est pas lui qui, comme le moine de la légende, se fût demandé à quoi les élus occuperaient les loisirs de l’éternité. Il sait tout ce que font les anges ; il connaît tous leurs jeux, leurs rondes et leurs concerts ; il n’ignore