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II


La Renaissance, dans sa phase décisive, se caractérise par un grand fait : la découverte de l’antiquité. En un siècle, depuis le temps de Pétrarque et de Boccace, le mouvement avait fait des progrès incalculables. On s’était aperçu qu’il existait, en dehors et indépendamment du christianisme, une civilisation, une culture, un art, qui n’étaient pas seulement d’une richesse infinie, mais qui étaient encore essentiellement « naturels ». C’étaient les produits spontanés des facultés humaines, sans aucun mélange du dogme et de la révélation. Or, il se trouvait que ces produits possédaient sur tous les autres une supériorité artistique accablante. Aucun poète chrétien n’était comparable à Virgile. La chaire chrétienne n’avait jamais formé un Cicéron. Les temps chrétiens, sous ce rapport, pouvaient s’envisager comme un véritable recul et comme une barbarie. On devine les conséquences. Elles ne devaient pas tarder à éclater.

Aujourd’hui, fatigués de la culture classique, désabusés de cette grande conquête, et de plus en plus indifférents au prix de l’art, au bien dire, à l’ornement de l’intelligence et à ce qu’on appelait les belles humanités, nous avons peine à nous figurer ce que fut, au xve siècle, l’enthousiasme devant l’antiquité renaissante. L’esprit humain retrouvait ses titres. Jamais nous ne nous expliquerons la gloire invraisemblable de quelques personnages, les honneurs rendus à un Pogge, la situation européenne d’un Politien ou d’un Erasme, les traitements réservés à un Marsile Ficin ou à un Gémisthos Plètho, par la raison que celui-là avait exhumé Quintilien, que cet autre tournait le vers latin comme Horace,