Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/325

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cri d’alarme, dénoncé le péril ? Ce fut le rôle de Savonarole, dont je dois à présent vous dire quelques mots.


III


On a immensément écrit sur ce moine célèbre, et peu de personnages historiques ont mérité l’honneur de tant de controverses. Les uns le tiennent pour un saint, les autres pour un brouillon. Les protestants l’ont revendiqué comme un précurseur de Luther, et les libres-penseurs comme un martyr de la Papauté. Un homme si diversement jugé n’est pas facile à définir. Son rôle comporte plus d’un aspect. L’Église qui rend hommage à sa pureté, à sa droiture, a toujours résisté à la suggestion des apologistes qui souhaitaient sa béatification. Elle sent en lui quelque équivoque. Elle semble lui reprocher non pas une défaite qui l’honore, mais quelque témérité dans l’entreprise et quelque confusion dans le choix des moyens[1].


    Liste (incomplète) d’autres artistes, moines ou ecclésiastiques, dans Müntz, ibid., p. 201. L’un des peintres en qui se trouve au plus haut degré le caractère de science et de sérénité propre à la Renaissance, est le dominicain assez mystérieux appelé Frà Carnovale, l’élève de Piero della Francesca et le maître de Bramante, auteur de l’Ex-voto de la famille d’Urbin, au musée Brera et de l’incomparable Nativité de Londres. Cf. Vasari, t. IV, p. 147 ; Pératé, dans l’Histoire de l’Art de M. André Michel, t. III, p. 710 ; Venturi, Storia dell’ Arte italiana, t. VII, 1re partie. Milan, 1911, p. 478 et suiv.

    Il est évident qu’à cette date l’élite des ordres mendiants est acquise aux idées de la Renaissance. Il y eut pourtant, dès l’origine, quelques esprits clairvoyants : tel, par exemple, le bienheureux Jean de Dominici, le disciple de sainte Catherine et le grand initiateur de la réforme de l’Observance, lequel, dès 1405, écrit contre l’excès des études classiques son curieux traité, la Lucula noctis, « une lampe dans la nuit ». Cf, édit. Coulon, Paris, 1908. Mais, chose significative, tout en combattant l’abus, il commence, pendant tout un livre, par admettre l’ « usage ». Cf. Cochin, Le bienheureux Angelico, p. 182. Tout ceci exigerait trente pages dans un livre ; une leçon s’en tient à un point de vue simple et à des oppositions frappantes.

  1. Sans parler des biographies contemporaines, celles de Burlamachi (2e édit.