Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/327

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par Savonarole à l’esprit de la Renaissance et à ce qu’il appelait les « nouvelles idoles ». Vous connaissez les faits qui portèrent subitement à un pouvoir presque absolu, à une vraie dictature morale, ce moine altéré de pureté et d’un génie austère : l’expulsion des Médicis, l’arrivée de l’armée française, l’invasion détournée (du moins, on le croyait) par l’ambassade de Savonarole, et l’espèce de foi fanatique qui saisit alors toute la ville pour le sauveur de la patrie. Le moine vit l’occasion d’instituer à Florence le règne de la vertu. Rien n’est plus dangereux : la Terreur a été un gouvernement « vertueux ». La pire erreur, dans la conduite des États, est cette confusion de la morale et de la politique, des deux ordres et des deux pouvoirs, qui a pesé si lourdement sur les sociétés antiques, et qui n’a été résolue que par le mot de l’Évangile : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Savonarole ne comprit pas cette parole libératrice. Il voulut mettre le glaive au service du Ciel. Ses mains s’ensanglantèrent à cette œuvre, où il fut à la fois et bourreau et martyr.

Un des crimes dont il accusait les tyrans, — c’est la règle, — c’était de régner par la corruption et d’énerver le peuple par les fêtes et les plaisirs. Les fêtes, même après le départ des Médicis, restaient une institution dans la ville des fleurs. Le carnaval résumait ces abominations et devenait le symbole de l’immoralité. Savonarole fit tant, qu’à force de menaces il changea la débauche annuelle en un jour de pénitence et d’expiation. Il était arrivé, au moins en apparence, à retourner comme un gant le caractère florentin. La patrie des rieurs était devenue celle des pleureurs, des larmoyeurs, des Piagnoni.

L’épisode principal de cette guerre au vice se produisit, deux ans de suite, pendant le carême de 1497 et