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que l’existence, en s’améliorant, doit par là même s’embellir ? En déplaçant l’objet de la vie, pour en rejeter le but au delà d’elle-même, le Christ a, en effet, créé le royaume moral ; mais il a en même temps créé dans l’âme humaine un déséquilibre profond. L’échelle des valeurs a été bouleversée : scandale auquel le monde n’est pas encore accoutumé. Personne jusqu’à présent n’a résolu ce désaccord. C’est celui qui arrache au poète les strophes passionnées d’Hypatie :

Et maintenant, hélas !
Le souffle de Platon et le corps d’Aphrodite
Sont partis à jamais pour les beaux cieux d’Hellas ;…


c’est celui dont l’inquiétude agite Renan et le trouble encore, au milieu de sa Prière sur l’Acropole. Savonarole est excusable d’avoir échoué à faire la paix où Jésus même a dit qu’il apportait la guerre.


IV

Et pourtant ! On ne put se résigner à ce duel fatal. C’est l’honneur de la Renaissance de s’être fatiguée à poursuivre une insaisissable harmonie. Elle n’a pas voulu douter de la noblesse humaine. Elle a refusé de signer l’arrêt de tout ce qui précède le Christ. Elle s’épuise à saisir chez les païens eux-mêmes des lueurs de christianisme, des restes, des lambeaux d’une révélation primitive. Platon, Virgile, Sénèque, Trajan, sont à demi-christianisés. Le grand Marsile Ficin, qui jamais ne mérita mieux de l’humanité, écrit un traité de la foi prouvée par les auteurs païens[1]. On voulait que toute

  1. De Christiana religione, Florence, 1474. — Un traité analogue, attribué