Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/366

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dajo, les quarante Tornabuoni au mystérieux colloque de Joachim et de l’ange. L’Église laissait faire ; et personne n’avait inquiété Véronèse pour avoir assis à la table des mariés de Cana Charles-Quint et François ler, Alphonse d’Este et la marquise de Pescaire, et pour s’être représenté lui-même au premier plan accordant sa viole tandis que Titien fait ronfler sa contrebasse.

Les choses en étaient là, quand l’artiste, un beau jour, — le 18 juillet 1573 — se vit cité pour répondre de ces faits devant le Saint-Office. Nous avons le procès-verbal de l’interrogatoire ; c’est un document du plus vif intérêt.

Appelé au Saint-Office, par-devant le tribunal sacré, Paul Caliari Véronèse, demeurant en la paroisse Saint-Samuel, et interrogé sur ses noms et prénoms, a répondu comme ci-dessous.

Interrogé sur sa profession.

R. — Je peins et je fais des figures.

D. — Avez-vous connaissance des raisons pour lesquelles vous avez été appelé ?…

R. — Je pense que c’est au sujet de ce qui m’a été dit par les Révérends Pères, ou plutôt par le prieur du couvent de Saint-Jean-Saint-Paul. Il paraît que vos Seigneuries l’invitent à faire peindre dans mon tableau une Madeleine au lieu d’un chien. J’ai répondu que je ferais tout ce qu’il faudrait pour mon honneur et celui du tableau, mais que je ne comprenais pas que cette Madeleine put faire bien ici, et cela pour beaucoup de raisons que je suis prêt à dire.

D. — Quel est le tableau dont vous parlez ?

R. — La dernière cène de Jésus-Christ dans la maison de Simon…


    la sorte. Croyez-vous que la Sainte Vierge était vêtue comme vous la représentez ? Je vous dis qu’elle était vêtue comme une pauvre femme, simplement, et à peine laissait-elle entrevoir le haut de son visage. De même était vêtue sainte Anne. Et vous, vous donnez à la Vierge des habits de courtisane ! Voilà comment le culte divin est profané ». Prediche de fra Hieronymo per quadragesima, Venise, 1519, f° 89.