Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/402

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des Flandres, d’autres exemples non moins curieux ?

L’école hollandaise passe avec raison pour le type d’une peinture laïque et protestante. L’Église a toutefois encore quelques droits artistiques dans ce refuge de Huguenots : le très étonnant peintre Jan Steen était un catholique[1] ; Vondel, le grand poète, en était un second[2]. Le genre par excellence de cette peinture bourgeoise, le portrait collectif ou le tableau civique, — genre républicain s’il en fut, — on en montrerait aisément les origines religieuses : il a sa source dans les portraits de confréries ; le premier exemple conservé est un tableau de Scorel qui montre les dix-huit pèlerins d’une confrérie de la Terre-Sainte[3] — et l’on sait que ces pèlerinages se faisaient sous la direction des Mendiants.

Quant à Rembrandt, que n’a-t-on pas dit sur la nature de son christianisme ? On oppose son Christ à celui de l’Église ; on l’appelle le grand protestant, le grand antilatin, le « Luther de la peinture »[4]. Est-ce bien vrai ? Rembrandt ne ressemble guère à personne en Hollande[5]. Il est à peu près le seul qui, dans ce peuple prosaïque, pratiquant un culte sans images, ait tourné obstinément autour des sujets religieux ; il est presque le seul Hollandais dont on ait des Passions, des Résurrections, des Adorations

  1. W. Bode, Rembrandt und seine Zeitgenossen, Leipzig, 1906 ; P. Alfassa, Le Tri-centenaire de Rembrandt, dans la Revue de l’Art, septembre-octobre 1906.
  2. F.-X. Kraus, Histoire de l’Eglise, t. III, p. 221.
  3. Musée de Haarlem, n° 134. Wurzbach lit la date de 1528. Niederländisches Künstler-Lexicon, 1910, t. II, p. 607.
  4. Le mot est de Proudhon. Du principe de l’art et de sa destination sociale, 1865, p. 85 ; cf. Michelet, Histoire de France, t. XII-12, 1858, p. 459 ; L’Amour, 1858, p. 88 ; Taine, Philosophie de l’art dans les Pays-Bas, 1869, p. 162 et suiv. ; surtout Dumesnil, La foi nouvelle cherchée dans l’art, 1850 et A. Coquerel, Rembrandt et l’Individualisme dans l’art, 1875. Voir mon étude Rembrandt, les étapes de sa gloire, dans la Revue des Deux Mondes, 15 mai 1907.
  5. Cf. Bode, ouvrage cité ; Valentiner, Rembrandt und seine Umgebung, Strasbourg, 1905, p. 22 et suiv. ; K. Vos, Étude analysée dans le Bulletin de l’art, 1er septembre 1909.