Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III


Mais c’est d’Espagne qu’est partie la milice des Jésuites ; c’est le mauvais goût espagnol que l’on rend responsable de tout ce qui nous choque dans l’art du xviie siècle : c’est donc par l’école espagnole qu’il faut finir cette revue des suprêmes œuvres mendiantes.

On conte que saint François, ayant ouï des nouvelles de la piété de ce royaume, se fit indiquer vers quel point de l’horizon le pays se trouvait ; et, se tournant vers l’Occident, il traça dans l’espace un large signe de croix[1]. La bénédiction du Patriarche a fructifié sur cette terre : nulle part la récolte franciscaine, au XVIe, au XVIIe siècles, n’a levé plus abondante.

Les Mendiants, en Espagne, sont peut-être chez eux plus qu’en aucun pays du monde. La gueuserie, là-bas, n’efface pas la noblesse ; on trouve tout naturel que l’aristocratie perce sous des haillons. Saint Dominique était un chanoine espagnol. Ce serait une étrange erreur de croire que Torquemada lui ait fait tort : aucune œuvre ne fut plus populaire que l’Inquisition[2]. Ce tribunal, vrai comité de Salut Public, remplissait une fonction, une croisade nationale. Zurbaran n’étonna personne en peignant, en 1625, le dernier tableau scolastique, son magnifique Triomphe de saint Thomas d’Aquin.

Pour les Franciscains, leur saint le plus fameux, après le fondateur, était un Portugais, Saint Antoine de Padoue. Les Mendiants ont donc en Espagne plus de

  1. Celano, Vita secunda, ch. cxxxv. François a été lui-même en Espagne ; Celano, Vita prima, l. xx. Cf. Tract. de Miraculis, V, 34. Sabatier place la date du voyage en 1214-1215.
  2. Voir le curieux Autodafé dans la Vie de saint Dominique attribuée à Berruguete, au Prado.