Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/43

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en lui l’aiguillon de la vie, et se réunira au principe de lumière, dans la paix du non-être, au sein de l’inconscient et de l’indéterminé.

Ces doctrines de désespoir désolaient des provinces entières de l’Europe. Une malaria étrange s’attaquait au principe lui-même de la vie. Contre l’hérésie albigeoise, devenue un péril social, Dominique, avec ses Prêcheurs, commence la croisade de son apostolat, la guerre du syllogisme et de la controverse. Ce sont les chiens de berger, les Domini canes, qui pourchassent avec un furieux amour les brebis égarées et ramènent le troupeau. François fait mieux encore. Il ne livre nulle bataille. Il ne raisonne pas, il oublie la mêlée et le heurt des doctrines : il ne voit que des hommes qui avaient faim de Dieu. Il ne cherche pas à détruire le dualisme funèbre, le clair-obscur farouche du cauchemar albigeois : mais, par la naïveté et la tendresse de son cœur, par son sentiment délicieux et poétique des choses, il retrouve la simplicité adorable du plan divin, l’unité de la vie. Il voit que l’univers est une œuvre d’amour.

Ainsi les deux milices dominicaine et franciscaine sont les deux faces de la même idée, la double expression d’une situation unique. Au reste, leur mission est trop semblable par son objet, pour que leurs différences de nature soient très sensibles dans la pratique. On oppose trop le Prêcheur savant et scolastique, au Mineur ignorant et tout passionné. Saint Thomas est l’ange de l’École : mais la Somme théologique n’eût certainement pas suffi à bouleverser le monde. Il est clair que les missionnaires tenaient un autre langage. Quand nous lisons les Actes des nouveaux apôtres, de ces prédicateurs qui soulevaient des auditoires de trente, de soixante mille hommes, de ce Jean de Vicence à la voix duquel les factions oubliaient leurs haines invétérées, de ce Ven-