Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/45

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rosée sanglante. « Ils parurent sur toute la terre, écrit Salimbene, et tous les hommes, grands et petits, nobles et gens du peuple, se flagellèrent tout nus en procession le long des rues, évêques et moines en tête. On se réconciliait, on restituait le bien mal acquis, on se confessait de ses péchés ; les prêtres ne mangeaient plus, ils n’avaient pas le temps. Et l’on eût dit une voix de Dieu plutôt que la voix de l’homme, et c’était celle des multitudes, et le genre humain s’avançait dans la voie du salut… Cette crise de piété se propageait, volait comme l’aigle, et elle durait plusieurs jours dans chaque ville ; les plus superbes faisaient comme les autres. Qui résistait, qui s’abstenait, semblait pire que le diable : on le montrait au doigt comme un homme perdu, un damné. » Le gouvernement de Crémone fit dresser le long du Pô une haie de potences : alors, l’épidémie cessa.

Et partout, pendant tout le siècle, on retrouve cette spontanéité, cette faculté d’invention, d’improvisation religieuses : ce sont les Apostoliques, les Sachets ou frères au sac, les Britti, les Boscarioli, les Ermites, les Gaudentes, ces mille sectes que Gebhart s’est plu à décrire dans son livre charmant de l’Italie mystique. Un des plus jolis épisodes est l’histoire d’un prédicateur populaire appelé Benoît du Cornet. C’était un illettré, un simple, dont toute l’éloquence était faite de son innocence et de sa mansuétude. On le regardait avec douceur, et on le laissait faire comme un être inoffensif. Il avait adopté un costume singulier, espèce de turban ou de chapeau arménien, ceinture de cuir, longue tunique grise tombant jusqu’aux chevilles, croix rouge de dimensions énormes par devant et par derrière ; et il avait aussi une trompette ou cornet de cuivre, d’où lui venait son sobriquet : il sonnait sa petite musique pour convoquer