Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étonnée de son courage. Jours d’espoir, de certitude gaie d’un avenir riant et proche. Jean, d’abord, au réveil, m’a souri. Mais oui, l’espace d’un éclair, je l’ai vu : il portait quelque chose, un seau, une gamelle, il traversait une cour. Et en passant, il s’est retourné, ses yeux m’ont trouvée, m’ont souri une seconde… Il n’est pas si blanc, sa mine est bonne, hâlée, et il marchait vite, fortement. J’ai entendu la cadence de ses bottes…

À notre besogne ! C’est un beau jour : le jour des petits. La visite de tous ces petits corps d’innocents, pourvus par nous d’aliments, et qui, originalité attendrissante, ne souffrent pas !

Vite, traversons la rue où la pluie a des couleurs fluides de soleil.

— Goeden Dag, Moederke.

Moederke occupe tout l’accotement, un grand panier plat sur la tête, une mèche de cheveux gris sortant du mouchoir rouge noué au menton, superbe de grandes rides sabrées que la crasse souligne, énorme, brinqueballante, les hanches dansantes sous le tablier sale.

Moederke me sourit, condescendante.

— Attends, Madameke, tu vas voir quelque chose de beau, sais-tu.

Le panier descend. Moederke s’essuye le front du revers de la main.