Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/167

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groupe magnifique des mères patientes et courbées, des enfants frémissants de vie…

Petits enfants, douleur de demain, petits enfants que j’eusse pu avoir de l’homme que j’aimais, je vous adore, j’adore l’oubli leurrant que me versent vos clairs yeux d’anges…


IX


Les jours d’énervement.

— Mademoiselle sait ? Les Allemands partent. Le laitier les a vus. Ils déménagent.

Gudule, ma cuisinière, soutient son patriotisme à coups de contes bleus.

En tramway, le receveur me glisse à l’oreille :

— Une victoire sur l’Yser. Cent soixante mille prisonniers… Ils n’en disent rien…

Il cligne de l’œil. Les voyageurs clignent de l’œil. En face de moi, un lieutenant à la face impertinente, gris tourterelle et monocle, me fixe, obstiné dans l’espoir toujours déçu d’une aventure sentimentale avec une Belgierin. Je descends aussitôt, la bouche crispée de dégoût.

— Hein ! Ont-ils l’air déconfits. Et vous savez, le Kaiser est mourant… La famine en Allemagne… Une haute autorité allemande a dit hier… Un Monsieur très bien a vu… Chacun a son secret,