Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/18

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Ont-elles travaillé à leur ambulance, les belles infirmières ! Que de croix rouges cousues sur des draps blancs, que d’allées et de venues, que d’ordres et de contre-ordres, quel foisonnement d’idées et d’innovations, que de rangements et de dérangements, quel chaos de literie, de vaisselle et de fioles ! Quel équipement aussi, quel luxe de cornettes, de manchettes, de robes vierges, d’escarpins mignons ! Chez elles, dans leurs beaux hôtels à l’abandon, la valetaille agglomérée à l’office glose, terrifiée par l’atmosphère tragique, se remonte le moral à coup de fausses nouvelles et de liqueurs fines ; en haut, les enfants se battent, abandonnés par la martiale fraulein qui a pris le train vers la Germanie ; les maris sont à la gare, croix rouge au bras, chauffeurs et brancardiers improvisés, prenant d’assaut les premiers trains, s’arrachant les blessés débarqués tout effarés de cet écartèlement, de cette bataille nouvelle autour de leurs pauvres membres saignants.

L’hystérie du blessé, murmure le médecin-chef excédé, calmant de son mieux l’indécente effervescence ; et compatissant tout de même, mais clairvoyant, il organise les transports, allouant en souriant à l’ambulance-bibelot un petit lot de fatigués, de clopinants ; même, dans un moment de