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XXVI


Tu ne t’asseyeras plus dans ton fauteuil. Tu ne regarderas plus mes livres et mes roses. Tu ne regarderas plus mes yeux, tu n’y reposeras plus ton sourire. Tu m’as laissée, tu es parti, tu es un lâche ! Je suis une fille abandonnée…


XXVII


Je n’ai rien fait pour Jean. Je ne lui ai rien donné. Je n’ai même pas la jouissance de ma honte et de ma perdition. J’ai volé Jean aux siens et je l’ai pris avec moi, et je l’ai fait marcher et haleter derrière moi, sans repos, au nom de l’honnêteté. J’ai grignoté et anémié sa vie conjugale, au nom de mon amitié pour sa femme. Je me suis rengorgée de mon dévouement et de mon sacrifice. J’ai promené partout ma dignité perverse de femme vertueuse. J’ai arraché à Jean son cœur en lui disant : vois, je lui donnerai à boire. Et je l’ai tenu, et je l’ai gardé et je l’ai laissé palpiter et mourir d’inanition…


XXVIII


Que vais-je faire de moi ?