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vies des autres, les pauvres cœurs des autres, muette, attentive…

Jean, le premier soir, dans les flonflons du bal, a regardé mes yeux, et m’a dit :

— Vous aimerez les autres.

Je n’ai aimé que lui.


XXXIX


C’est vous, pauvre Brême ! Comme vous avez vieilli. Rassurez-moi : j’ai peur, cette nuit-là, de vous avoir fait souffrir. Que vous ai-je dit ? Pourtant, je vous aime bien ; je ne vous veux aucun mal. Et vous me faites une pitié profonde. Car c’est terrible de souffrir… Pardonnez-moi.

Voyez-vous, Brême, j’aurais pu m’attacher à vous, être votre femme, vous porter des enfants. Mais Jean, s’est trouvé entre nous. J’ai regardé Jean. Je ne vous ai plus vu. Et maintenant, il faut que je lève la tête, pour chercher Jean qui est là-haut. Je ne peux pas vous voir, mon ami, j’ai les yeux levés…


XL


Ô mon ami, maître qui m’avez ouvert l’âme à l’amour, ouvrez-la plus encore, ouvrez-la à la