Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/219

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La vieille dame. — Mais alors, mon ami, sa femme est libre !

François. — Justement. Madeleine est libre. (Plus bas.) Et depuis lors, il y a que je n’accepte plus, voilà !

La vieille dame, souriante. — Parcequ’il n’y a plus de raison d’accepter. Parcequ’après la guerre…

François. — Parcequ’après la guerre je serai mort… ou pis que cela ! (Il se retourne.) Et maintenant, ne parlons plus de tout ceci, Madame, je vous en supplie. Vous êtes bonne, compatissante, exquise pour moi. Mais ne me faites plus parler. Je ne suis pas de ceux qui aiment se raconter. Cela me fait souffrir. Et regardez, la machine tout de suite se détraque… la grève… la grève… (Il s’essouffle à reprendre haleine.) Le cœur en a assez, vous voyez bien !

La vieille dame, un peu inquiète, le laisse se calmer, puis reprend, apaisante. — Le cœur n’a besoin que d’un peu de joie pour guérir… Mais si ! je le sais bien. (On frappe à la porte. À la femme de chambre villageoise qui entre :) Qu’est-ce ?

La servante. — Il y a là quelqu’un pour causer à Madame.

La vieille dame. — Dis que j’arrive. Encore ces envois de caissettes à mes filleuls, bien sûr.