Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/226

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bien pensé à vous. Mais Pierre est tombé en brave. Une femme peut être fière de ces morts-là. On dit que cela console. (Un silence.)

Madeleine. — François, vous employez à dessein des paroles banales qui sont une offense à notre intimité.

François. — Vous vous trompez. Elles sont l’expression du respect que je vous dois.

Madeleine. — C’est vous qui vous trompez. Vous croyez ce langage nécessaire à mes habits de veuve. Les convenances sont faites pour les étrangers, ceux qui communiquent par des mots !

François. — Elles sont nécessaires, croyez-moi, entre nous.

Madeleine. — Quand je vous en affranchis ? Je ne vous comprends plus. Mon Dieu… est-ce que trois ans peuvent changer les cœurs ?

François. — Les cœurs ne changent pas. Ce sont les corps qui changent… (Un silence.)

Madeleine. — François. Pourquoi me parlez-vous ainsi ?

François. — Je n’ai pas le droit de vous parler autrement.

Madeleine. — Je m’appelle Madeleine. Et vous m’aimez.

François. — Vous êtes Madeleine : la jeunesse, la vie ; cet éclat qui fait mal. Et moi…