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PINDARE

ques vers de description, les seuls qui, pour nous, relèvent le caractère poétique de ce petit mythe, nous peignent la course des vents sur la mer depuis la Thrace jusqu’à la Troade. C’est ainsi que la naïve fiction d’Homère entre sans peine dans une religion qui anime et divinise les phénomènes naturels. Voyons comment procède Pindare.

Il connaissait l’antique légende thessalienne sur la querelle de Zeus et de Poséidon, et sur la prédiction qui fit renoncer ces dieux à leur poursuite, parce que de Thétis devait naître un fils supérieur à son père. C’est à cette prédiction qu’il s’attache pour lui donner une valeur nouvelle. De même Eschyle, réservant à Prométhée l’honneur de la prononcer, en fit le ressort principal de sa grande trilogie. Pindare, lui, représente en elle l’action supérieure de la puissance régulatrice, intervenant pour arrêter un débat qui met aux prises les deux plus grandes forces de l’univers et le menace d’une nouvelle révolution. Cette puissance, c’est Thémis, l’antique personnification de l’idée abstraite de l’ordre : il la fait agir comme agissait chez Homère Iris, la personnification des messages divins. Thémis paraît au milieu d’une assemblée et fait entendre sa parole grave et inspirée : « Cessez : entrée dans le lit d’un mortel, que Thétis voie périr dans les combats un fils pareil à Arès par la force de son bras, à l’éclair par la vitesse de ses

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