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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

fection. « Dieu puissant, tu sais la fin dernière de toute chose et tu connais toutes les voies ; tu comptes les feuilles que la terre fait éclore au printemps et les grains de sable que les flots et les vents impétueux font rouler dans la mer et dans le lit des fleuves ; tu vois clairement ce qui doit être et quelle en sera la cause[1]. » Voilà ce que devient chez lui le dieu prophète et dieu soleil Apollon, qui, d’après l’antique formule d’invocation, voit tout et entend tout.

Cette idée d’une divinité souverainement intelligente appelle une conception plus haute de la moralité divine. Aussi Pindare se refuse-t-il à admettre certaines légendes. « Si l’on ose parler des dieux, dit-il, il faut n’en rien dire qui ne soit beau, car la faute est moindre[2]. » La faute ! voilà jusqu’où il pousse le respect religieux. Il est tellement rempli de cette pensée de la grandeur divine, qu’il met en tête d’une ode triomphale, c’est-à-dire d’un chant de victoire, ce magnifique début :

« Il y a la race des hommes, il y a celle des dieux ; toutes deux sont issues de la même mère ; mais une différence absolue de puissance les sépare : l’une n’est rien, tandis que le ciel d’airain est pour l’autre une demeure inébranlable et éternelle. Cependant la grandeur de l’esprit et les qualités du corps nous rapprochent quelque peu des immortels,

  1. Pyth., ix, v. 80 et suiv.
  2. Ol., i, v. 54 et suiv.