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PINDARE

Les causes de l’échec apparaissent d’autant plus évidentes qu’on se reporte au modèle grec. Rien de plus froid que ces formes, ces images, cette mythologie, transportées hors de leur place naturelle et violemment introduites chez les contemporains du poète français. Quelle force d’illusion ne fallait-il pas à ceux-ci, pour admirer la naissance de Marguerite sortant du docte cerveau de François Ier, ouvert par la lance de Pallas, et s’affublant elle-même du costume guerrier de la déesse pour aller plonger le fer dans le ventre du vilain monstre Ignorance ! C’était cependant le temps où Du Bellay, dans le manifeste de la nouvelle école, demandait un poète inspiré par la passion et conseillait l’imitation des Grecs et des Latins, pour prendre en eux la chair, les os, les nerfs et le sang. Mais malheureusement Ronsard, comme il veut bien nous en instruire lui-même dans son Abrégé de l’art poétique, s’imagina que les nerfs et la vie, c’étaient des descriptions, des comparaisons, des vocables nobles et signifiants, sans se douter que, pour soutenir cet art extérieur, il fallait d’abord une pensée originale, une âme.

On sait d’ailleurs pourquoi cette ambition d’accroître les ressources de l’art fut en grande partie déçue. Les langues ne se violentent pas. Elles se développent, sous des influences générales, suivant les lois de leur nature propre ; et si un grand