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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

écrivain peut tout d’un coup les faire avancer vers leur perfection, c’est grâce à un instinct supérieur de ces lois. Tel ne fut pas le cas de Ronsard, qui ne comprenait bien ni ce qui était possible en français, ni ce qui avait été fait en grec. Lorsque Pindare se formait sa langue à lui, il ne prenait pas indifféremment dans tous les dialectes ; mais il se bornait aux deux dialectes lyriques, le dorien et l’éolien, et au vieux fonds de la langue épique. C’était cette riche et souple matière, façonnée par le travail poétique de plusieurs siècles, qu’il pliait à l’expression particulière de son sentiment. Ce n’était pas la même chose que d’offrir au public, comme le conseillait Ronsard, un mélange de mots gascons, poitevins, normands, manceaux, empruntés à tous les patois. Quant aux créations de termes nouveaux, il est trop clair que de ternes et disgracieuses inventions, comme les dérivés vervement (de verve), fouer (de feu), ou les composés tue-géant, cuisse-né, aigu-tournoyant, qu’il proposait ou mettait en usage, ne supportent pas un instant la comparaison avec ces mots francs et harmonieux qui semblaient venir d’eux-mêmes apporter au lyrique grec leurs syllabes sonores et vivantes.

Est-il besoin aussi de remarquer que Ronsard est loin de prendre à son modèle la puissante et expressive variété des constructions de phrase et des rythmes ? Lisez l’ode à Michel de l’Hôpital, la