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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

action et une fin languissante, ni cette admirable tragédie d’Œdipe à Colone, à la fois divine et profondément humaine, où la religion des morts vient de même étendre comme un voile d’oubli et de paix sur les crimes d’une race maudite, où elle sanctifie la solution mystérieuse de la destinée du héros thébain. Nous avons pensé aussi qu’il y avait quelque intérêt à relever un fait assez curieux dans l’histoire de la critique : la transmission, volontaire ou non, de l’exagération de l’idée de l’État chez des maîtres illustres, le puissant penseur Hegel, et le savant antiquaire et helléniste Boeckh, tous deux professeurs à Berlin.

Pour quelle part l’esprit allemand, ou plutôt l’esprit prussien, est-il entré dans leur théorie sur l’Antigone ? Et d’abord n’est-ce pas à Hegel que remonterait la première influence, influence si forte que le monde intelligent s’en serait pénétré et l’aurait transmise à la critique littéraire par une communication insensible et naturelle ? Ces questions regardent avant tout le politique et le moraliste, qui reconnaissent dans les redoutables doctrines hégéliennes une origine des idées actuelles de la Prusse sur les droits de l’État et sur ses rapports avec l’Église. Ils peuvent même y trouver l’explication de certaines formes de patriotisme et de vertu civique. Et assurément il y a de quoi surprendre et faire réfléchir dans cette puissance, jus-