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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

nent cette variété ; mais elles sont tirées directement de la nature humaine, qui enseigne d’elle-même aux poètes l’observation de la vérité morale au milieu des excès de la passion et des surprises du sort et le sentiment des exigences du public. Telle est, par exemple, la remarque d’Aristote sur les conditions à remplir par le héros tragique, qui ne doit être ni tout à fait bon ni surtout tout à fait mauvais, afin qu’il excite la pitié des spectateurs sans révolter leur conscience. Telle est aussi l’observation, moins importante, mais tout aussi délicate, qui lui est suggérée par un passage de la pièce même d’Antigone ; c’est qu’un acte criminel, entrepris en connaissance de cause et non accompli, comme l’acte d’Hémon tirant son épée contre son père, doit être en général exclu du théâtre, car il est odieux sans être tragique, puisqu’il n’y a pas de victime. Mais on doit se garder d’élever les généralisations jusqu’à une métaphysique abstraite et de transformer en logicien un poète dramatique, quelles que soient chez lui la science de la composition et la valeur de la pensée morale. Les maîtres de notre jeunesse, MM. Patin et Saint-Marc Girardin, ne nous égaraient donc pas, quand ils nous expliquaient l’Antigone sans appareil logique et sans prétention à la profondeur. Pour en trouver le sens, ils se contentaient d’un seul moyen, la délicatesse de l’analyse morale déve-