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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

monter jusqu’à Homère à propos de l’idylle bucolique, c’est que Théocrite se rattache à lui par certains caractères du style. Il vise à la même naïveté ; comme lui, il détache chaque détail et semble s’y arrêter avec curiosité et avec admiration ; il paraît revenir à l’âge de l’épopée naissante, où la pensée s’éveillait, où tout était nouveau et digne d’intérêt. Mais la principale cause littéraire, qui détermina la naissance de la poésie pastorale, doit être cherchée dans cette pente naturelle qui entraîne en général la poésie vieillissante vers la description. On ne peut guère se dissimuler que c’est là un effet de la décadence. On décrit, nous ne le voyons que trop aujourd’hui, quand on n’a plus la force d’inventer ni de composer ; on remplace l’inspiration par l’analyse ; on suit servilement la réalité au lieu de la plier à sa pensée propre, et on lui demande ce qu’on ne trouve plus en soi-même.

Il est très vraisemblable que l’épopée est devenue de bonne heure en grande partie descriptive ; elle l’est déjà dans le grand fragment hésiodique, connu sous le nom de Bouclier d’Hercule, où la recherche du détail et de l’extraordinaire sépare profondément cette curieuse imitation d’Homère du modèle qu’elle prétendait suivre et peut-être dépasser. L’école d’Hésiode, par la nature des sujets qu’elle affectionnait, et les poèmes généalogiques ou ethnographiques qui se rattachaient à cette