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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

sorte de drame improvisé. Daphnis, qui pose le thème, dépeint les agaceries de la nymphe Galatée, se jouant de l’amour de Polyphême ; et déjà cette peinture prend un caractère dramatique, car elle s’adresse au cyclope, que le peintre interpelle indirectement et encourage en entrant dans ses sentiments. Le rival de Daphnis, Damœtas, dépasse cette hardiesse : il revêt aussitôt le personnage de Polyphême, et c’est l’amant de Galatée que l’on entend exprimer naïvement sa passion. Voilà donc, peu s’en faut, une scène à deux rôles, où l’on trouve successivement l’expression plastique et l’analyse morale. Pour obtenir cette valeur d’effet et cette richesse relative de développement, Théocrite se dégage du moule bucolique. Déjà, dans le fragment dont l’éditeur ancien a formé le corps de l’idylle ixe, nous trouvons deux couplets assez étendus, dans lesquels les bergers rivaux opposent l’un à l’autre deux tableaux, celui des jouissances de l’été et celui des jouissances de l’hiver dans la vie pastorale. Mais les correspondances y sont sensibles, sinon aussi marquées que dans le dialogue bucolique. Chacun remplit exactement sept vers, dont les derniers sont analogues par les idées et par le tour. Ici au contraire, les répétitions symétriques ou parallèles de pensées et de formes ont complètement disparu. Le chant de Daphnis a quatorze vers et celui de Damœtas dix-neuf, et