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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

recueil. Heinsius l’appelait divine, toute de lait (lactea), plus douce que le plus doux miel, la reine des églogues. Sainte-Beuve, dont j’ai déjà rappelé l’intelligente admiration pour Théocrite, s’est plu à l’analyser en détail et à en traduire des morceaux. Les anciens en ont imité une foule de vers ; Virgile surtout y a beaucoup puisé. Or ce qui frappe, quand on essaie de rattacher la pastorale de Théocrite à son origine, c’est que par la forme ce poème ne se rapporte à aucune des deux espèces du bucoliasme sicilien : on n’y trouve ni dialogue régulièrement alterné avec des effets de symétrie et d’antithèse, ni couplets à refrain. Faut-il voir dans ce fait une confirmation d’une opinion émise par des critiques, et en particulier par Fritzsche, d’après laquelle les Thalysies seraient une œuvre de la jeunesse du poète, antérieure à son séjour en Sicile et à une action directe des influences locales qu’il y subit ? Théocrite, en effet, s’y représente comme jeune, place la scène à Cos, où une tradition le fait naître et où il fut très probablement élevé, et y mentionne avec complaisance des lieux et des habitants de cette île. Mais, d’un autre côté, les éléments siciliens y tiennent aussi une grande place, et il nous paraît, pour le moins, aussi vraisemblable que, dans cette composition, où la fiction a beaucoup de part, il ait pris plaisir à retracer et à présenter comme récents des souvenirs de sa jeunesse. Sans pré-