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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

tout porte à croire que Théocrite assista réellement à cette fête domestique de Cérès, dont il célèbre le souvenir. Il nomme les hôtes qui le reçoivent à leur campagne, Phrasidamos et Antigène, deux frères issus d’une des premières familles du pays. Il nomme aussi leur compatriote, Philétas, l’élégiaque illustre, son maître, et le poète Aratus, son ami. Avec ces noms s’en rencontrent un certain nombre d’autres, dont on ne sait s’ils sont altérés ou fidèlement reproduits, mais qui désignent des personnages véritables. Enfin, deux bergers, les principaux acteurs du petit drame, ceux qui conversent ensemble et font assaut de talent poétique, sont Théocrite lui-même, qui se cache à demi sous le nom de Simichidas, reconnaissant ainsi, d’après des témoignages anciens, l’affection et les soins de son beau-père Simichos, et un autre poète, qu’il appelle Lycidas et dont on ignore le vrai nom. Nous voilà donc dans un monde réel, avec des personnages dont chacun était bien connu des lecteurs contemporains, et dont ils prenaient plaisir à retrouver la physionomie et les allures sous ces vêtements et ces dénominations de fantaisie. De là, tout un ordre d’effets obtenus par un art délicat et spirituel. À la distance où nous sommes, beaucoup nous échappent sans doute ; mais il en est que nous pouvons encore reconnaître. Ainsi nous voyons sans peine comment Théocrite s’est plu à se mettre lui-