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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Évergète Physcon (ventru), surnommé aussi le Philologue, est la terreur d’Alexandrie ; il tue son neveu dans les bras de sa sœur le jour où il épouse celle-ci, et il corrige le texte d’Homère. La cour, qui comprenait à peu près toute la société polie, était sous l’influence des femmes, des reines, des maîtresses royales, adonnées à de fastueux plaisirs et divinisées par l’adulation. De là un ton de galanterie particulier, dans des sortes de cours d’amour qui se formaient autour d’elles. On connaît, par la traduction de Catulle, la pièce de Callimaque sur la chevelure de Bérénice. Il est vrai qu’auparavant, Stratonice, femme de Séleucus, avait mis au concours l’éloge de ses cheveux, quoiqu’elle fût chauve, et cela prouve que les mœurs littéraires se ressemblaient alors dans les différentes cours. Mais celle d’Alexandrie, où se concentrait le mouvement des lettres, tenait de beaucoup le premier rang.

De cet ensemble de faits se tirent facilement les principaux caractères de la poésie alexandrine. Le poète n’est nullement national ni inspiré. Il ne chante pas pour une foule homogène, ni capable de lui communiquer la vie et l’inspiration. Qu’est-ce que la foule d’Alexandrie ? Dans cette réunion d’Égyptiens, de Juifs et d’Orientaux, de Grecs venus pour chercher fortune, où est cette communauté de croyances, d’idées, de mœurs qui forme