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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Homère avait attaché son nom, n’était plus possible. Et, en effet, nous venons de le dire, la grande épopée, comme en général la grande poésie, n’aurait su où prendre son inspiration. Dans la religion ? Qui croyait alors aux mythes et aux légendes ? Qui même pensait sérieusement aux dieux ? La profonde piété de Pindare et d’Eschyle, comme la naïveté de la foi homérique, avait depuis longtemps disparu. La religion n’était plus qu’une matière littéraire ou un prétexte à spectacles. Dans le sentiment national ? Malgré une certaine analogie d’état littéraire et religieux, Virgile, tout pénétré de l’idée romaine, montrera la puissance du patriotisme, mais, à la cour des Ptolémées, ce mot n’a aucun sens ; assurément ce n’est pas là ce qui pouvait y ranimer la poésie épuisée. Les mœurs non plus ne se prêtent nullement à soutenir un effort poétique. Où sont ces conditions de simplicité, de grandeur morale, d’émotion facile et confiante qui doivent unir le poète et son public dans une communauté de sensibilité profonde ? Le temps de l’épopée homérique est donc bien passé. Prétendre y revenir, ce serait commettre à la fois un anachronisme et une faute de goût.

Voilà quel était l’avis de Callimaque. On connaît ce mot de lui : « Un gros livre est un gros fléau. » Il érigeait en théorie ce qu’il avait fait lui-même. S’il ne voulait pas de grandes compositions origi-