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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

sus expliquée : il est là pour comprendre l’avis de la corneille et pour retenir Argus. On trouvera sans doute qu’il eût été plus simple de se passer à la fois de la corneille, de Mopsus et même d’Argus, qui, en réalité, ne sert à rien. Cette suppression n’aurait nullement nui à l’effet de la belle scène qui vient après.

Médée, de son côté, a dû aussi échapper à la présence gênante de ses compagnes. Le moyen imaginé par Apollonius, pour être moins cherché, n’en vaut peut-être pas mieux. Médée a recours au mensonge, et de telle sorte qu’elle se donne une apparence de cupidité et de perfidie. Est-ce une manière de laisser apercevoir le naturel pervers de cette barbare que son amour pour un Grec va transfigurer pendant quelques instants ? Rien n’est moins certain, et, en tout cas, ce jour odieux, jeté à ce moment sur son caractère, nous gâterait d’avance l’impression de ces naïves et tendres émotions par lesquelles le poète veut nous charmer. Cela prouve une fois de plus qu’il ne faut pas demander à un alexandrin la simplicité ni la franchise des effets. Nous touchons ici à un défaut plus grave que ne l’était l’introduction inutile d’un merveilleux d’apologue dans une épopée. C’est que, dans toute cette partie du poème où Apollonius s’est proposé de rendre son héroïne touchante, l’intérêt qu’elle inspire s’affaiblit par instants ou