Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
345
L’ALEXANDRINISME

assez froide et ne donne qu’une atténuation fort insuffisante au moment où la sœur vient de combiner l’assassinat du frère ; du moins marque-t-elle bien la pensée du poète. À peine l’amour s’est-il emparé de Médée, qu’elle est livrée presque sans trêve à de cruelles souffrances. Le mal physique et le mal moral, la crainte du présent et de l’avenir, le trouble de l’imagination, le désespoir, même quelques remords, perpétuent et renouvellent ses tourments. Et, lorsqu’elle aura quitté la maison paternelle, viendra tout de suite l’humiliation, puis bientôt le crime. Elle se dégradera de plus en plus. Réduite à embrasser les genoux de l’homme pour qui elle a trahi les siens, se sentant à la merci d’une troupe d’étrangers, les périlleuses aventures qu’elle partage l’amènent chez la sœur de son père. Est-ce enfin pour y trouver un appui ? Circé, avec une sévérité qu’on n’attendrait pas de son caractère mythologique, la condamne en repoussant ses prières et la chasse toute tremblante. Au milieu de tant d’épreuves, la pitié du poète lui ménage dans l’avenir une consolation : après sa vie en ce monde, elle se reposera dans la plaine élyséenne, où elle deviendra l’épouse d’Achille. Mais ce mouvement d’humanité, autorisé d’ailleurs par certaines traditions, ne profite ni à Médée, qui n’en sait rien, ni au poète lui-même, qu’il inspire fort malheureusement. C’est Thétis qui est informée