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appela alors la conspiration de Babeuf. Le but de sa conspiration était aussi la réalisation d’une utopie reposant sur l’établissement d’un communisme forcené, appuyé d’abord sur la loi agraire. Ce n’est pas ici que nous pourrions entrer dans des détails sur une aussi vaste organisation de la désorganisation générale des sociétés modernes, lesquelles il ne faut jamais confondre avec leurs gouvernements. Rappelons seulement que le malheureux Babeuf eut le sort du tribun de Rome Tibérius Gracchus, dont il avait ajouté le nom au sien ; condamné à mort par la haute cour de Vendôme, il paya de sa tête ses téméraires aberrations d’esprit. Sous un gouvernement fort, Babeuf eût été enfermé dans une maison d’aliénés.

Pendant longtemps les utopistes régénérateurs se condamnèrent au silence ou se bornèrent à prêcher leurs doctrines en petit comité. Sauf l’association du Tugend-Bund en Allemagne, et des Carbonari en Italie, d’où cette dernière se répandit en France, il n’en surgit aucune qui mérite d’être rappelée, encore ces associations eurent-elles un but politique plutôt qu’un but social. Enfin, vers l’année 1820, parut le livre de M. de Saint-Simon, dont l’apparition dans le monde produisit des effets si divers et eut tant de retentissement, sans que, toutefois, on le crût gros d’une religion nouvelle.

Le ridicule railleur s’attacha au livre de M. de Saint-Simon et à sa doctrine. Cette fois, ce qui est rare, le ridicule eut tort. Peut être n’aurait-il pas tort aujourd’hui si nous étions dans des circonstances moins graves. Quoi qu’il en soit, le ridicule ne fut pas pour M. de Saint-Simon ; on le réserva très légitimement pour ses adeptes. Quant au livre, il contenait des propositions dont la justesse dut alors paraître bien malsonnante, d’autant plus que leur désintéressement était plus que prouvé par le nom de l’auteur. Or, soit dit en passant, on croit plus volontiers aux prédications de ceux qui ne prêchent pas pour leur saint.

Le fond de la doctrine de M. de Saint-Simon reposait princi-