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trouver des adultères chez un peuple qui observera mes lois. » Ce ne serait pas de pareilles impossibilités que nous plaindrions. Nous ne saurions nier d’ailleurs que le nom de Solon est très déplacé ici.

Quoi qu’il en soit, une chose doit frapper essentiellement tous les bons esprits et en particulier les législateurs politique ou sociaux ; c’est qu’il ne faut jamais mettre brusquement la loi en opposition avec les mœurs, les coutumes les usages d’un peuple, car alors une lutte s’établit entre les usages, les coutumes, les mœurs et la loi, et dans cette lutte, si la loi triomphe, ce ne peut être que par la force, c’est-à-dire par un acte de tyrannie. On parle beaucoup des droits du peuple et de sa souveraineté, car en général, on est très fort sur les mots, mais en bonne conscience ; qu’est-ce que c’est que l’ensemble des mœurs, des coutumes et des usages d’un peuple, si ce n’est son code, sa législation qu’il a dictés lui-même, qu’il observe, qu’il modifie à son gré, mais sans secousses violentes, et que l’on ne peut choquer, au nom de quelques-uns, sans crime de lèse-souveraineté du peuple ?

Malheureusement ce n’est pas ainsi qu’entendent cette souveraineté sacrée ceux qui s’en font les régulateurs d’office et les menins bénévoles et presque toujours intéressés. Nous avons vu, un peu avant la chute de l’empire, des exemples bien frappants du mauvais effet de la contradiction des lois avec les mœurs dans des provinces nouvellement annexées au territoire français ; on s’y soumettait sans trop de murmures à la dure loi de la conscription, aux lourdes charges de l’impôt, mais on se révoltait contre l’usage de la langue française, que le gouvernement impérial voulait substituer à l’usage de la langue du pays. Or, que le changement de législation provienne de la conquête ou qu’il soit le résultat d’un changement radical dans le gouvernement d’une nation, si la cause est différente, l’effet est le même si la législation nouvelle choque les mœurs, les coutumes et les usages du peuple, c’est-à-dire la plus réelle expression de la vo-