Page:Giraudoux - Électre.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉLECTRE. – Tu haïssais mon père ! Ah ! Que tout devient clair à la lampe d’Agathe.

CLYTEMNESTRE. – Voilà qu’elle recommence, Égisthe ! Protégez-moi.

ÉLECTRE. – Comme tu l’enviais, Agathe, tout à l’heure. Pouvoir crier sa haine au mari que l’on hait, quelle volupté ! Elle t’a été refusée, mère. Jamais de ta vie tu ne l’auras. Jusqu’au jour de sa mort il aura cru que tu l’admirais, que tu l’adorais ! Souvent, en plein banquet, en pleine cérémonie, je vois ton visage qui fige, tes lèvres qui remuent sans paroles : c’est que tu es prise de l’envie de crier que tu le haïssais, n’est-ce pas, aux passants, aux convives, à la servante qui te verse le vin, au policier qui surveille les voleurs de vaisselle. Pauvre mère, tu n’as jamais pu aller seule dans la campagne et le crier aux roseaux. Tous les roseaux racontent que tu l’adores !

CLYTEMNESTRE. – Écoute, Électre !