Page:Giraudoux - Électre.djvu/203

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ÉGISTHE. – La justice d’Électre consiste à ressasser toute faute, à rendre tout acte irréparable ?

ÉLECTRE. – Oh non ! Il est des années où le gel est la justice pour les arbres, et d’autres l’injustice. Il est des forçats que l’on aime, des assassins que l’on caresse. Mais quand le crime porte atteinte à la dignité humaine, infeste un peuple, pourrit sa loyauté, il n’est pas de pardon.

ÉGISTHE. – Sais-tu même ce qu’est un peuple, Électre !

ÉLECTRE. – Quand vous voyez un immense visage emplir l’horizon et vous regarder bien en face, d’yeux intrépides et purs, c’est cela un peuple.

ÉGISTHE. – Tu parles en jeune fille, non en roi. C’est un immense corps à régir, à nourrir.

ÉLECTRE. – Je parle en femme. C’est un regard étincelant, à filtrer, à dorer. Mais il n’a qu’un phosphore, la vérité.