Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/133

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aboient autour des vergers ; on entend désormais les bruits des sabots avant les voix ; parfois un passant vous heurte avant que vous ne l’ayez entendu : c’est qu’il a des semelles de cuir, c’est qu’il est français… Les phonographes du bataillon installé dans Saverne jouent leur premier morceau, le plus beau d’ailleurs, le cœur de Manon : Le cœur de Manon est peu de chose. C’est un rien léger comme une rose. — De la vraie Manon ? me demande l’hôtelier. Des artilleurs indistincts tirent de grands câbles au travers de la ville, les nouent, font un paquet de l’Alsace… Les girouettes, mais que font les girouettes quand le vent souffle ?… Les étoiles… mais que font les étoiles quand les mains qui les supportent toutes à la fois vacillent ?… et voici, je ferme les yeux pour heurter son front aveugle, — et pourquoi ne pas la nommer ? — la nuit…

Alors dans les devantures un sort impitoyable sépare soudain les fleurs de papier et les fleurs vivantes, de jour presque con-