Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/140

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chevaux au pas ont mis la nuit à y porter. Les Arabes qui nettoient la ville chassent l’ombre comme ils chassent les éclipses, en tapant sur des casseroles et des poubelles d’étain. La brise souffle. Chaque pays du Levant, dévoilé, projette une minute sa couleur sur les murs, sur mes mains. Je pense à mon ami le prédicateur qui avait découvert une vertu nouvelle, et qui surveilla une semaine, pour la trouver d’abord en moi, mes gestes, mes paroles, mes reflets. Je pense à mon cousin le chimiste qui découvrit un nouveau métal précieux et le rechercha d’abord dans les rochers et les prés de ma famille : Jour nouveau, que j’aime à t’essayer sur moi !

La brise souffle. Chaque arbre, et dans chaque arbre chaque feuille, frissonne comme l’oiseau qui reçoit la becquée. Des hirondelles volent à mi-hauteur entre le ciel et la terre, encore également inoffensifs. Le batelier qui dormait assis dans sa barque, le dos contre la paroi du quai,