Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/70

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J’ai voyagé. Je suis célibataire… Je travaille…

Ainsi, par peur d’être déçus, nous nous entêtions à vouloir rester l’un pour l’autre ce que nous étions autrefois et nous avions toujours ce moyen de nous dire semblables l’un à l’autre. Parler de nos métiers ? Comment supposer qu’ils soient deux métiers égaux, comme nos destins autrefois. Pourquoi prouver à l’un qu’il avait perdu la course ? Du moins, chacun derrière le mot célibataire et le mot travail, nous étions à l’abri… Ou plutôt, je le compris plus tard, chacun craignait peut-être de rencontrer en l’autre un homme mûr, alors que lui-même ne l’était pas. La seule ressemblance entre Pavel et moi était que le sort nous avait désignés, avec peu d’autres, pour une jeunesse vivace, parfaite, que dès dix-sept ans nous avions reconnue, à ce point ménagée et soignée que nos défauts et nos qualités de quinze ans n’étaient pas devenus ceux des hommes, mais de gigantesques défauts